VIXI

Depuis que l’Homme est entré en civilisation, nous nous appuyons sur des rites qui ont pour rôle de nous aider à envisager notre éternité comme un possible projet. Il en est allé ainsi pour ma mère et mon parcours de deuil dont j’ai eu envie d’exprimer à la fois la complexité et l’évidence à travers 17 images …

… Dix-sept images car symboliquement ce nombre représente la jonction entre le monde matériel et spirituel (H. Blanquart). Il est aussi, avec ses multiples, le nombre du Sacrement Admirable selon Saint Augustin et le canon de l’équilibre des choses selon Gâbir ibn Hayyân. Dix-sept enfin, car écrit en chiffres romains, il est l’anagramme de VIXI qui signifie “j’ai vécu”.

Le moment du deuil, ce passage, cette jonction entre la vie et la mort, l’acceptation du manque mais aussi l’espoir que tout se passe bien dans l’au-delà est un moment d’extrême intimité qui est pourtant partagé par tout un chacun. Ces images sont miennes dans la mesure où elles représentent ma conception des choses. Les photographies en mouvement, floues, en double impression me permettent de mettre en évidence ce sentiment de recherche de sens et la fragilité de cette tentative. A la fin, elles se clarifient et tendent vers l’apaisement.

Il y a cependant des symboles puisés dans l’histoire et la civilisation de l’homme pour lesquels je pressens un part de vérité universelle et qui ne sont pas seulement miens. Ainsi, il y a la tombe, le signe religieux, la terre, les arbres, tous symboles de la cohabitation du visible et de l’invisible, de la regénérescence cosmique. La route représente le chemin à parcourir. Le pont, espace frontière situé exactement au milieu de la série puise sa source symbolique dans la psychanalyse freudienne selon laquelle il représente le passage de l’au-delà à la vie, puis inversement un retour à la mort.

L’eau bien entendu, est l’élément vital, la matrice originelle, régénératrice et purificatrice dans bien des civilisations, objet de culte et de pèlerinage dans l’hindouisme, mais aussi signe de mort dans l’Egypte ancienne et chez les Celtes chez lesquels la dépouille était déposée dans une embarcation. Le poisson, remontant des profondeurs, est un symbole baptismal majeur chez les chrétiens, de sagesse, de renaissance et de perpétuation de cycles chez les hindous.

Et enfin l’oiseau qui voyage à nos côtés, est le symbole de la figure de l’âme s’échappant du corps (représenté par l’objet rectangulaire), du messager céleste et du porteur de paix. Il vient conclure de manière significative la série. Orientée vers la gauche, la direction de l’oiseau, de l’âme de ma mère, semble revenir vers le passé. Mais je crois aujourd’hui que c’est en moi qu’elle a trouvé sa destination finale.

*******

Février 2013

Edition de 6 et 2 épreuves d’artiste

Dimensions : 43 x 29 cm

Search